“Dans les années 50, au cours de sa carrière de graphiste publicitaire, Andy Warhol réalisa trois ensembles de sérigraphie ayant pour sujet la chaussure; il s’agit de: Golden Shoes, À la Recherche du Shoe Perdu et Diamond Dust Shoes. Son intention était d’élever un objet commun, tel que la chaussure, au statut d’objet artistique. C’est pourquoi les chaussures représentées sont extrêmement précieuses, de grande qualité, consacrées aux plus importantes célébrités de l’époque (comme dans l’ensemble Golden Shoes), accompagnées de titres estropiés (À la Recherche du Shoe Perdu) ou bien représentées couvertes d’une poussière de diamants (Diamond Dust Shoes).
(…) Le portfolio intitulé À la Recherche du Shoe Perdu, qui contient donc des images de chaussures féminines, destinées au magasin I.Miller de New York, fut également exposé au Café/Galerie Serendipiti, remportant un grand succès. Ce titre renvoie au roman de Proust, À la Recherche du temps perdu, de façon désinvolte et presque impudente et dénote le passage de Warhol d’artiste commercial à artiste de Galerie.
Les chaussures sont accompagnées de légendes conçues par l’écrivain Ralph Pomeroy et écrites par sa mère Julia Warhola. Ces expressions sont tirées de dictons ou de poésies populaires, revisités en transformant le mot clé en “shoe ”. Par exemple, TO SHOE OR NOT TO SHOE est une altération de la locution célèbre TO BE OR NOT TO BE tirée de Hamlet de Shakespeare et transformée en une phrase provocatrice, mais justement dépourvue de signification.
(…) Pour la chaussure BEAUTY IS SHOE, SHOE IS BEAUTY, le titre s’inspire des vers de John Keats BEAUTY IS TRUTH, TRUTH IS BEAUTY. La phrase de Warhol peut être vue comme inoffensive et amusante, mais elle pourrait aussi révéler la façon dont l’artiste, en utilisant Keats, remplace la figure de la femme par un vrai fétiche comme la chaussure, qui irradie du glamour, mais évoque tout autant traumatismes et tabous. Il transmet ainsi l’ambivalence de l’idée de beauté, commune parmi les artistes du vingtième siècle: un principe à la fois repoussé et désiré, décrit parfois comme banal, vulgaire, prétentieux et sentimental. ”
Biancamaria Carraro: “Un bijou au pied : de Warhol à Louboutin”
Recherche Photographique et Bibliographique par: Barbara Placidi